Omniprésents dans la vie quotidienne des Français, les réseaux sociaux ont peu à peu investi le domaine de la médecine sur fond de crise de la COVID 19.
Ainsi des comptes twitter tels que Rémy Teston, Aviscène, Stéphanie Chevrel ou Dr Beauty ou Marine Lorphelin sur Insta ou encore Carla Valette et le Docteur Tiktok sur Tiktok ne vous sont pas étrangers et pour cause, ces personnes comptabilisent des milliers d’abonnés sur une thématique que nous pensions encore il y a quelques années, inconciliable avec le levier marketing des influenceurs.
A cet égard, la chirurgie esthétique qui comptabilise depuis 2019 plus d’interventions sur les 18 – 34 que sur les 50 – 60 ans 1, est le domaine médical le plus enclin au développement d’influenceurs d’actes médicaux mais également aux dérives.
Un influenceur est défini non pas dans la loi mais dans la jurisprudence ! C’est « une personne active sur les réseaux sociaux, qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing » (CA Paris, pôle 5 15, 10 février 2021, n°19/17548).
Cette définition ne semble pas pouvoir s’accorder avec l’interdiction déontologique de la publicité pour les médecins de profession. En effet, ceux-ci ne peuvent, en vertu de leurs obligations, que prodiguer de l’information (article R. 4127-19 du code de la santé publique). Pour autant, on constate que les évolutions numériques ont rendu cette frontière de plus en plus difficile à délimiter.
Aux termes de l’article R. 4217-24 du code de la santé publique, le médecin a interdiction de réaliser tout acte de nature à procurer au patient un avantage matériel injustifié ou illicite. Il ne peut pas non plus réaliser une ristourne en argent ou en nature ou accepter une commission. Enfin, il a interdiction de solliciter ou accepter un avantage en nature ou en espèces sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, pour une prescription ou un acte médical quelconque.
Bref, impossible pour lui (de manière directe ou indirecte) de faire des codes promos pour des consultations, faire du placement de produit qui servirait à réaliser un acte médical, …. En gros, le travail “classique” d’influenceur pour un médecin devient compliqué si ce qui est visé dans la promotion est l’acte médical.
Si la promotion d’un acte médical n’est pas rémunéré, le recours à un tiers pour promouvoir un acte médical est toutefois strictement encadré par le secret médical.
A titre d’exemple, l’opération des seins d’une star de la téléréalité filmée dans le cadre d’un reportage a donné lieu à deux ans de suspension d’exercice dont vingt et un mois avec sursis pour le médecin ayant porté atteinte au secret médical (CE, 26 septembre 2018).
Cette notion doit être appréciée largement car la violation est caractérisée alors même que la patiente avait consenti expressément à la publication d’un article de presse et avait participé à un reportage télévisé.
Le médecin est autorisé à communiquer en son nom sur les réseaux sociaux à titre éducatif, scientifique ou sanitaire sur sa pratique (article R. 4127-13 du code de la santé publique) notamment en s’appuyant sur des données scientifiques dans le respect des règles de la déontologie médicale (article R. 4127-14 du code de la santé publique).
Cependant, plusieurs points de vigilance sont à garder en tête.
Dans un premier temps, le médecin doit veiller à ce qu’il ne soit fait aucun usage publicitaire de son nom, de sa qualité ou son activité professionnelle (article R. 4127-20 du code de la santé publique).
Dans un second temps, le médecin doit veiller à respecter l’anonymat des patients et le secret professionnel. Il ne peut ainsi pas utiliser des médias (photos, vidéos).
Sur ces motifs a été condamné à trois ans de suspension d’exercice dont deux ans avec sursis le médecin esthétique ayant publié sur son site des photos non floutées de patients avant et après lifting.
Afin de maintenir cet anonymat, le conseil de l’ordre des médecins recommande au médecin de profession de ne pas commenter les posts sur les réseaux sociaux de leurs patients.
En dépit des règles déontologiques relatives à la communication sur les réseaux sociaux par les médecins, le conseil de l’ordre des médecins fait évoluer sa position en distinguant la publicité et l’information.
Par exemple, plusieurs plaintes ont pu être rejetées dès l’instant où les clichés photographiques étaient non identifiables.
Est également considéré comme ne faisant pas du dénigrement le médecin prudent dans sa communication, qui questionne, souligne l’absence d’études suffisantes…
Deux arrêts du Conseil d’Etat en date du 6 novembre 2019, ont notamment jugé que l’interdiction totale de publicité pour les professionnels de santé n’est pas conforme à la réglementation européenne.
Solution alternative (et ingénieuse) qui semble reprendre tous ces critères : celle de Robin Goncet, interne en médecine, qui cartonne sur les réseaux avec sa fruitrurgie. Il se présente comme un fruitrurgien et non un chirurgien. Il opère des fruits et des légumes pour expliquer à sa communauté comment fonctionne une chirurgie. Il accroit ainsi sa notoriété, en mettant en avant son talent, tout en respectant l’anonymat et sans faire de promotion de l’acte médical contre une rémunération.
La promotion des actes médicaux sur les réseaux sociaux se retrouvent ainsi au cœur des débats, dans lesquels le médecin doit prendre pleinement part pour pouvoir développer son activité tout en transmettant l’information nécessaire au consentement des patients.
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