Nouvelle ordonnance : quels impacts pour les médecins exerçant en société d’exercice libéral ? 

L’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées est récemment entrée en vigueur le 1er septembre. Nous restons en attente d’un décret d’application spécifique aux professionnels de santé, mais il est possible dès à présent de répondre à certaines questions que les médecins exerçant en société d’exercice libéral (SEL) peuvent se poser sur l’impact de cette réforme.  

Ce qui change pour les médecins exerçant en société d’exercice libéral 

L’instauration d’un droit de retrait (article 57) 

Il est désormais permis à un associé en capital de décider unilatéralement de sortir du capital de la société, et par conséquent de contraindre les associés à racheter ses titres ou à réduire le capital de la société. C’est ce qu’on appelle le droit de retrait

Si la jurisprudence avait refusé la possibilité de prévoir un droit de retrait d’un associé (Cour de cassation – Chambre civile 1, 12 décembre 2018, n°17.12-467), les statuts d’une société d’exercice libéral peuvent désormais prévoir le droit de retrait d’un associé et l’organisation de ce droit.  

Cette possibilité permet de garantir aux associés de société d’exercice libéral de pouvoir quitter la société dont ils ne partagent plus les valeurs avec les autres associés, ou qui souhaitent exercer une activité pour leur propre compte. 

L’information aux ordres est renforcée (article 44) 

Les société d’exercice libéral doivent dorénavant faire remonter à l’ordre auquel elles sont rattachées non seulement les informations relatives à la répartition de leur capital et des droits de vote, mais également à ses modalités de gouvernance, nous l’avions évoqué dans notre article sur les nouvelles obligations déclaratives pour les médecins en SEL. Plus précisément, une société d’exercice libéral doit transmettre à l’ordre concerné un état actualisé de la composition de son capital et des droits de vote correspondants, ainsi qu’une version mise à jour de ses statuts.

Une nouvelle exigence vient s’ajouter à cet ensemble : les conventions incluant « des clauses relatives à l’organisation et aux pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance modifiées au cours de l’exercice écoulé » doivent également être communiquées à l’ordre. Ces conventions incluent par exemple les règlements intérieurs et autres pactes d’associés. Cet ajout s’explique par une volonté d’expliciter l’obligation de remontée d’information annuelle, qui telle que prévue par la loi de 1990 pouvait être interprétée comme une information partielle, ce qui en limitait la portée. S’agissant de la fréquence de cette obligation, ces informations devront être transmises une fois par an, mais seulement s’il y a eu modifications de la répartition du capital ou de la gouvernance au cours du dernier exercice.  

Cependant, l’article prévoit que « pour chaque profession, les modalités d’application de cette procédure d’information peuvent être précisées par décret », et nous restons en attente des modalités spécifiques de chaque ordre.  

Ce qui ne change pas pour les médecins exerçant en société d’exercice libéral (SEL)

Le degré d’ouverture du capital aux non professionnels de la santé reste le même (article 69) qu’avant. 

Par exception aux règles normalement prévues par l’ordonnance (article 46), plus de la moitié du capital social d’une société d’exercice libéral peut être détenue par « tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la société » ou « toute personne morale exerçant cet objet social », i.e. un professionnel de santé. Une autre exception au droit commun permet, par voie de décret, à des tiers non professionnels de détenir une partie du capital, sous réserve de respecter le plafond de 25 % maximum.  

L’obligation de renseigner la forme après la dénomination subsiste (article 41) 

Les sociétés d’exercice libéral continuent d’être obligées de faire précéder ou suivre immédiatement leur dénomination sociale de leur forme (SELAS, SELARL, SELAFA, SELCA). L’objectif poursuivi par le législateur : permettre la distinction entre société d’exercice et société de droit commun. 

L’ordre d’inscription au tableau de l’Ordre et d’immatriculation au greffe demeure inchangé (article 42) 

Si l’idée de supprimer l’obligation de s’inscrire auprès des Ordres professionnels avant de réaliser son immatriculation au greffe a été considérée dans l’optique d’accélérer les procédures, cette option n’a finalement pas été retenue. L’immatriculation de la société d’exercice libéral ne peut donc toujours pas intervenir avant son inscription sur le tableau de l’Ordre professionnel compétent, qui a un délai de 3 mois pour se prononcer à compter de la réception de la demande. Ce qui en pratique peut être une difficulté si la création de la société d’exercice libéral s’inscrit dans un projet plus global ou s’il existe des contraintes fiscales ou sociales sur cette création (comme notamment le passage de BNC en SEL).  

Les règles d’agréments sont conservées (article 75) 

Les agréments des cessions de parts doivent être donnés par la majorité des associés représentant au moins trois quarts des parts sociales. Ainsi, la dérogation à l’article  L223-14 du Code de commerce demeure inchangée. 

La restriction du montant des comptes courants est maintenue  

Avant l’ordonnance, un associé exerçant au sein d’une société d’exercice libéral ne pouvait pas apporter en compte courant d’associé plus que trois fois le montant de sa participation au capital. Pour les associés n’exerçant pas leur profession au seuil de la société d’exercice libéral, ce montant est abaissé à une fois. Contrairement aux autres professions libérales, pour lesquelles l’ordonnance supprime la limitation, les comptes courants d’associés restent restreints dans leur montant pour les professions faisant partie de la famille santé.

On peut se demander quelle est l’intérêt d’une telle restriction maintenue uniquement pour les professionnels de santé, qui doivent en conséquence s’assurer que leurs statuts sont en conformité avec cette règle, au risque de ne pouvoir faire inscrire leur société d’exercice libéral à l’Ordre. Ce point les contraint également lors de la détermination du montant du capital social car si celui-ci est trop bas, le financement par fonds propres de la société par le biais du compte courant d’associés sera limité.  

Nous restons donc en attente d’un décret d’application spécifique aux professionnels de santé pour clarifier la situation des médecins exerçant en société d’exercice libéral (SEL).

Si vous avez des interrogations à ce sujet, contactez-nous

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