Je suis influenceur, je promeus un acte médical alors que le médecin pour lequel je travaille est en violation des règles qui lui sont applicables : qu’est-ce que je risque ?

La réalisation d’un acte médical est encadrée tant par des règles législatives que par des règles déontologiques, qui sont la garantie d’une bonne prise en charge du patient quelle que soit la personne qui réalise l’acte (ou l’endroit où l’acte est réalisé ou diffusé).

Par conséquent, le médecin influenceur (voir notre article  » To be or not to be un influenceur quand on est médecin « ) est sous surveillance (voir notre article « Les sanctions à l’encontre d’un influenceur médical « ).

De même, la personne qui pratique un acte médical sans avoir la qualification pour le faire est également surveillée (voir notre article « acte médical pratiqué par un non-médecin« ).

Qu’en est-il des influenceurs qui utilisent les réseaux sociaux pour promouvoir des actes médicaux pratiqués par un médecin (alors que celui-ci est en violation des règles qui lui sont applicables) ?

Exemple concret : que risquent les influenceurs qui se filment lors de la réalisation d’un acte médical (comme l’injection d’acide hyaluronique ou encore l’épilation laser) ? Pour rappel, un acte médical doit être réalisé dans le respect du secret professionnel. Dans cette hypothèse, l’influenceur choisit, lui-même, de s’affranchir de cette règle. Que risque-t-il ?

I – Sanctions civiles et pénales

La médecine n’est pas un commerce, mais le médecin utilise la visibilité de l’influenceur pour augmenter sa notoriété et doit donc rémunérer l’influenceur.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes impose à l’influenceur d’identifier clairement le médecin pour le compte duquel ledit placement est réalisé et que son identité soit partagée de manière explicite avec les internautes. Le risque pour l’influenceur ? Que sa démarche soit considérée comme une pratique commerciale trompeuse sur le fondement de l’article L. 121-1 du code de la consommation.

L’influenceur risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 euros. Aux termes de l’article L. 132-2 du code de la consommation, l’amende peut être portée à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel ou 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité constituant le délit.

En outre, si un follower subit un préjudice directement lié à l’action de l’influenceur médical et est en mesure d’en rapporter la preuve, alors l’influenceur n’est pas à l’abri de voir sa responsabilité civile délictuelle engagée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Mais est-ce que l’influenceur peut être considéré comme le complice du médecin pour violation du secret professionnel ? Le secret professionnel est une obligation déontologique des professionnels de santé et s’applique exclusivement à eux. Si l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique prévoit que le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication des informations liées au secret professionnel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, l’influenceur qui divulgue des informations sur son propre état de santé ne peut être sanctionné en raison d’un manquement déontologique de la part du médecin qui pratique l’acte. Donc l’influenceur est libre de faire ce qu’il veut, mais pas le médecin. Si le médecin décide de braver les règles, il les contrevient lui mais l’influenceur en tant que tel, ne viole aucune disposition déontologique. Ce qui ne va pas les inciter à arrêter…

Par contre, le délit d’escroquerie pour l’influenceur (obtenir un bien, de l’argent ou un service en échange de manœuvre frauduleuse) pourrait être caractérisé si la diffusion des images d’influence fait une victime qui arriverait à démontrer avoir agi après avoir été trompée sur les intentions de l’influenceur (et non pas du médecin).

À titre d’illustration, le parquet de Paris a été saisi des plaintes de victimes d’influenceurs français pour escroquerie en bande organisée et abus de confiance le 23 janvier 2023 en raison de leur incitation à investir sur des marchés financiers à risque.

II – Actualités législatives

Sous la pression des consommateurs notamment regroupés au sein du collectif d’Aide aux victimes d’influenceurs mais également des personnalités connues comme Booba qui a dénoncé les pratiques des influenceurs de la téléréalité de Magali Berdah, les députés ont commencé à se saisir (tardivement ?) de ce sujet.

Une première proposition de loi du 15 novembre 2022 vise à encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence sur internet. Celle-ci prévoit l’obligation d’un contrat de mandat écrit entre le donneur d’ordre et l’influenceur et la mise en place d’un dispositif de signalement des contenus relevant des pratiques commerciales interdites, agressives et trompeuses.

Une deuxième proposition de loi du 15 décembre 2022 prévoit, quant à elle, de renforcer la lutte contre la promotion de produits dangereux, actes et prestations liés à la santé, au développement personnel ou à des investissements financiers. À cet égard, les établissements financiers mais également les fournisseurs de service de communication au public seront en charge d’un devoir d’information sur les pratiques commerciales illégales en ligne.

Pour finir, une troisième proposition du 27 décembre 2022 souhaite interdire la promotion de produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux ou encore de placements ou d’investissement financiers sous peine de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Elle consacre ainsi des domaines bénéficiant d’un régime de protection spécifique comme la santé. Cette dernière doit être examinée à l’Assemblée nationale le 09 février 2023 lors de la niche parlementaire du Parti Socialiste. Si les parlementaires se doivent de réguler le marché de l’influence, il est peu probable que la majorité présidentielle accepte de transiger avec un parti d’opposition. Ainsi, il faudra sûrement attendre un projet de loi pour enfin encadrer plus strictement l’activité des influenceurs, ce qui va créer un vide juridique pendant encore quelque temps.


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